nonscollectif-org/infos/droit.md

10 KiB
Raw Blame History

title permalink eleventyNavigation
La loi /droit/
key order
La loi 3

La loi

Quen disait la loi avant 2022 ?

Jusquà la rentrée de septembre 2022, linstruction en famille était un droit en France, les parents ayant le droit de choisir le mode dinstruction de leur(s) enfant(s). LIEF nétait pas soumise à autorisation, mais uniquement à déclaration.

Ce régime déclaratif en vigueur jusquà présent nimpliquait pas que les familles étaient livrées à elles-mêmes… Chaque année, elles font lobjet dun contrôle par linspection académique, pour vérifier la réalité de linstruction et constater les progrès des enfants dans tous les domaines.

Dans les faits, le rapport de la DGESCO de 2016-2017 indique que 72% des foyers ont été contrôlés. 93% de ces contrôles ont été favorables, et les cas dinjonction à rescolariser lenfant ont été anecdotiques : à peine 0,13%.

En parallèle des contrôles académiques, les enfants instruits en famille font, tous les deux ans, lobjet dune enquête de la mairie de leur résidence. Le but : vérifier les raisons avancées par les familles pour pratiquer lIEF, et sassurer que linstruction donnée est compatible avec létat de santé et les conditions de vie de lenfant.

Textes de loi

Que dit la loi aujourd'hui ?

Larticle 49 de la loi dite de lutte contre le séparatisme a apporté une modification fondamentale à la pratique de linstruction en famille. Désormais, elle nest autorisée quà titre dérogatoire, sous réserve dobtenir lautorisation des services administratifs. Fini le régime déclaratif, qui permettait à toutes les familles de mettre en place linstruction hors école pour leurs enfants… Pour obtenir le fameux sésame, il faut désormais demander lautorisation chaque année entre le 1er mars et le 31 mai, et entrer dans lune des 4 catégories définies par le législateur :

  1. Létat de santé de lenfant ou son handicap ;
  2. La pratique dactivités sportives ou artistiques intensives ;
  3. Litinérance de la famille en France ou léloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
  4. Lexistence dune situation propre à lenfant motivant le projet éducatif

Une exception toutefois a été accordée (pour éviter une critique trop massive ?) : les enfants déjà en IEF pendant lannée scolaire 2021-2022 et ayant obtenu un rapport positif au contrôle de linspection académique ont, par dérogation, une autorisation « de plein droit » pour poursuivre linstruction en famille pendant deux ans.

Textes de loi

Focus sur le «motif 4»

Le quatrième motif, « lexistence dune situation propre à lenfant », est censé concerner toutes les familles qui pratiquent lIEF par choix, par conviction. Mais dans la réalité, il est très compliqué de définir ce quest une situation propre à lenfant dans lesprit du législateur…

Anne BRUGNERA, rapporteure de la loi séparatisme, sest voulu rassurante lors dune intervention devant lAssemblée Nationale le 11 février 2021 :

« Tous les parents qui pratiquent l'instruction en famille dans des conditions satisfaisantes le font pour leur enfant. Ils nont pas besoin de motiver leur décision, quils justifient simplement par un motif de convenance personnelle, mais s'ils ont choisi l'instruction en famille, cest bien pour leur enfant ! Il suffit de discuter avec ces parents pour constater à quel point ils ont adapté leur projet éducatif à leur enfant. [...] Le quatrième motif inclut donc les dimensions auxquelles vous êtes attaché. l'instruction en famille part de l'enfant, mais s'appuie naturellement sur le projet pédagogique [...]. Tout enfant est particulier ».

Le 13 août 2021, le Conseil constitutionnel a également rendu public son avis sur la loi et a formulé une « réserve dinterprétation » censée exclure toute forme de discrimination sur ce fameux motif 4 :

« Il appartiendra au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge, de déterminer les modalités de délivrance de lautorisation dinstruction en famille conformément à ces critères [vérification de la « capacité dinstruire » de la personne en charge de lenfant et « existence dune situation propre à lenfant motivant le projet éducatif »], et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères, excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit ».

Mais déjà, la loi écarte doffice un certain nombre de familles, en exigeant la fourniture du diplôme du baccalauréat pour justifier de la capacité à assurer linstruction en famille. Pourtant, le bac ne détermine en rien les compétences ou la capacité à dispenser une instruction qualitative. Dans sa thèse publiée en 2002, la chercheuse Paula Rothermel, de lUniversité de Durham, a constaté que lexcellence des résultats scolaires denfants instruits en famille ne dépendait en rien du niveau dinstruction ou de la catégorie socio-économique des parents.

« Lengagement des parents envers leurs enfants et lattention quils leur accordent, quel que soit le niveau dinstruction et la catégorie socio-économique, sont peut-être les facteurs les plus importants dans le développement et les progrès en apprentissage des enfants. »

En outre, les parents denfants instruits en famille peuvent sappuyer sur dinnombrables ressources, cours par correspondance, ou même enseignants qualifiés. Sous-entendre que les parents non détenteurs du baccalauréat seraient incapables dinstruire leurs enfant va dailleurs à lencontre des chiffres officiels : à lheure actuelle, 16% des parents instructeurs ne sont pas titulaires du bac, et 98% des contrôles effectués sont malgré tout positifs

Textes de loi

Enfants scolarisés : le retrait de lécole devient impossible

Autre changement majeur et pourtant rarement mentionné - dans la loi : à partir de septembre 2022, il deviendra quasiment impossible de retirer son enfant de lécole en cours dannée, à moins dapporter la preuve que son intégrité physique ou morale est menacée. Il faudra notamment fournir “lavis circonstancié du directeur de létablissement denseignement public ou privé dans lequel est inscrit lenfant sur le projet dinstruction dans la famille”. En dautres termes, il faudra avoir laccord et le soutien du chef détablissement qui est à la fois juge et partie. On peut sinterroger sur la capacité de ce dernier à prendre une décision rapide dans des cas de violences ou harcèlement…

Pourtant, selon le ministère de lÉducation Nationale, 5,8 % des élèves (720 000 sur 12 millions) auraient été harcelés en 2017, 12 % en école primaire, 5,6 % au collège et 4,1 % au lycée. Et encore, les chiffres sont optimistes par rapport aux estimations de lUNESCO (un enfant sur deux se dit victime de harcèlement dès lâge de 7 ans, et un adolescent sur quatre à 18 ans).

La seule option des parents sera désormais de changer leur enfant détablissement… quand cela sera possible ! Mais que se passera-t-il pour celles et ceux qui auront développé une phobie scolaire ou dautres troubles anxieux liés aux violences subies ? Alors que les familles concernées devraient pouvoir se concentrer sur le fait de remettre sur pied leur enfant, elles nauront dautre choix que de se lancer en parallèle dans une bataille judiciaire pour pouvoir les déscolariser, même provisoirement…

Textes de loi

Quen dit le droit international ?

Déclaration universelle des droits de lHomme - 1948 - Article 26-3

Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre déducation à donner à leurs enfants

Convention européenne des Droits de lHomme - 1950 - Article 9

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, lenseignement, les pratiques et laccomplissement des rites.

Convention de sauvegarde des Droits de lHomme et des Libertés fondamentales - 20 mai 1952

Nul ne peut se voir refuser le droit à linstruction. LEtat, dans lexercice des fonctions quil assumera dans le domaine de léducation et de lenseignement, respectera le droit des parents dassurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.

Cour européenne des droits de lhomme - Affaire KJELDSEN, BUSK MADSEN ET PEDERSEN - 1976

il les laisse libres de les instruire ou faire instruire à domicile et, surtout, de les envoyer dans des établissement privés auxquels lÉtat verse de très forts subsides, assumant ainsi une « fonction dans le domaine de léducation et de lenseignement », au sens de larticle 2 (P1-2)

Convention internationale des droits de lenfant - 1989 - Article 12-1

Les Etats parties garantissent à lenfant qui est capable de discernement le droit dexprimer librement son opinion sur toute question lintéressant, les opinions de lenfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

Charte des droits fondamentaux de lUnion Européenne - 2002 - Article 14-3

La liberté de créer des établissements denseignement dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents dassurer léducation et lenseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent lexercice.