nonscollectif-org/src/discours/2022-09-01-helene.md

58 lines
7 KiB
Markdown
Raw Normal View History

---
title: Discours dHélène
description: Hélène condamne la loterie judiciaire.
date: 2022-09-01
modified: 2022-09-25
image: /images/manif-2022-09-01/discours-helene.jpg
---
<strong><time datetime="{{ page.date | htmlDateString }}">{{ page.date | readableDate }}</time>, Albi</strong>
«Je suis Hélène, maman de Joseph, 9 ans, Augustin, 8 ans, Amandine, 5 ans, et Clémence, 3 ans. Nous venons de lAveyron. Je suis professeur des écoles, je nai donc rien contre lécole… Mes 2 aînés sont scolarisés… Ils font leur rentrée des classes aujourdhui même avec leur papa.
![Mathilde](/images/manif-2022-09-01/discours-helene.jpg){.mx-auto .lg:max-w-3xl .max-h-96}
Nous avons démarré l'instruction en famille pour toute la fratrie l'année après le premier confinement, cette expérience nous ayant confirmés dans ce projet de prendre en main l'instruction de nos enfants.
Puis, l'année suivante, au vu de ma fatigue et des besoins de chacun de nos enfants, nous avons décidé de rescolariser Augustin et Amandine qui étaient à priori heureux de retourner en classe. Cela a bien réussi à Augustin, qui continue à l'école. Mais ça a été plus compliqué pour Amandine qui est devenue nerveuse, anxieuse... **Elle a complètement changé de comportement et pleurait tous les matins pour ne pas aller à l'école** !
Il nous fallait prendre en compte le besoin de sécurité affective de notre fille… un besoin qui nétait clairement pas assouvi à lécole.
Alors pour cette rentrée, nous avions pour projet de garder Amandine en IEF, avec sa petite sœur qui entre juste en âge scolaire.
On a donc fait comme tout le monde, fois 2! Deux demandes dautorisation pour « motif 4 »… Et on a reçu 2 refus, auxquels nous avons répondu par 2 RAPO… La commission de lacadémie a rejeté les RAPO à l'unanimité!
**Jai passé des nuits blanches à rédiger les projets pédagogiques puis les RAPO… Jai passé un été abominable**, à prendre contact avec des avocats… à discuter avec notre assurance… comme beaucoup dautres familles. Pendant ce temps, **ma fille de 5 ans me demandait, angoissée**: "maman, est-ce que je vais pouvoir faire l'école à la maison? "…
Ensuite, comme beaucoup d'autres, on a pris la direction du tribunal. C'est là que lhistoire change un peu par rapport aux autres familles… Cest pour ça que je prends la parole ici aujourd'hui. **Nous, sans plus de mérite que les autres, on a en quelque sorte gagné à la grande loterie judiciaire**… Vendredi dernier, le 26 août, un juge a rendu 11 ordonnances de référé-suspension en faveur des familles. 11 dun coup… Dont 2 pour Amandine et Clémence. En clair, le juge suspend les décisions de refus et impose à l'académie de me délivrer l'autorisation provisoire d'IEF pour mes filles, en attendant le jugement au fond, qui peut prendre 18 mois.
Évidemment je suis super soulagée davoir gagné ce référé… Je sais que langoisse dAmandine est derrière nous… En plus, les 11 décisions de ce juge sont fortes, bien argumentées et pourront servir à dautres… Sauf que légalement, des ordonnances de référé ne font pas jurisprudence. Dès le lendemain dans le même tribunal, dautres référés sont encore rejetés.
**Cest quoi cette loterie aberrante ???? Après les DSDEN, les rectorats, cest maintenant dans les tribunaux que linjustice se prolonge…**
Ma fille Amandine, cest Nora, la fille de Jalil et Karène, interdite dinstruction en famille parce quelle a eu le malheur daller à lécole lan dernier… Ma petite dernière Clémence, cest Noé, le fils dArnaud et Pauline… **Les profils sont les mêmes !** Alors pourquoi mes filles pourraient faire linstruction en famille, et pas Nora ou Noé ?
Cest impossible daccepter de telles disparités. De telles différences de traitement, sans aucune justification valable !
Tous les juges devraient appliquer les mêmes conclusions que celui qui sest occupé de mon dossier. Des conclusions qui rappellent tout simplement que dans la loi, le motif 4 ne signifie pas une scolarisation impossible. **Que l'absence de situation propre à leurs yeux n'est pas un motif valable de refus!** Que les seuls critères sur lesquels doivent s'appuyer l'administration pour fonder leur décision sont : **un dossier pédagogique adapté aux besoins et aux rythmes de l'enfant et la capacité des parents à l'instruire!**
Vous vous rendez compte ?! L'académie de Toulouse ose écrire sur son site internet que, pour obtenir l'autorisation de l'instruction en famille, il faut "justifier de motifs empêchant la scolarisation!". Ils outrepassent tranquillement et ouvertement la loi sans se poser de question !
Pour moi, le combat ne sera pas fini tant que, a minima, cette loi ne sera pas appliquée correctement, en tenant compte de la réserve du Conseil d'Etat… et donc que TOUS les motifs 4 seront autorisés, dans la mesure où le projet pédagogique tient la route!
Dailleurs même pour ma famille rien nest définitivement gagné : le rectorat peut encore faire appel de la décision… Et lan prochain, tout sera à recommencer! Qui a envie de passer ses étés en démarches administratives et judiciaires? Payer un avocat? Vivre l'angoisse des audiences au tribunal et de l'attente du verdict? Tous les ans ? Cest inimaginable !
Je voulais aussi dire un mot sur mon fils aîné, Joseph. Il était en IEF depuis 2 ans, donc avec une autorisation de plein droit pour 2 ans. Il a de grosses difficultés, troubles de l'attention, dyslexie... l'IEF permettait de s'adapter au mieux à lui, à ses besoins... Mais il a souhaité retourner à lécole… En soi, c'est plutôt positif, il a repris confiance en lui, il veut faire comme les autres... tant mieux! Je préfère mille fois qu'il aille à l'école heureux et de son plein gré plutôt que de force!!
Sauf qu'aujourd'hui, en ce moment même il fait sa rentrée... et de ce fait, son plein droit est annulé! Si cest plus difficile quil ne pensait, **sil regrette, il na plus aucune marche arrière possible ! Ce saut obligé dans le vide est d'une grande violence!**
Cest lune des autres grandes aberrations de cette loi : on ne peut plus déscolariser un enfant en cours d'année, sauf dans des cas très très exceptionnels. Un enfant en souffrance à lécole ne pourra pas en sortir, même pour quelque temps. Cest inacceptable…
Voilà pourquoi, même avec mon autorisation, obtenue par chance au tribunal il y a quelques jours, je voulais manifester aujourdhui mon soutien absolu aux familles. Je continue le combat, et je reste solidaire.
Cette loi est profondément injuste, et **nous devons rester unis pour réussir à la faire abroger**, ou au moins de la clarifier pour la rendre applicable de manière juste et équitable! »
\- **Hélène, le 1er septembre 2022**
[Tous les discours](/actualites/2022-09-01-manifestation-rentree/){.centered-button .mt-8}